Le Suzerain de Fer.

Les deux lames s'entre-choquèrent.
Un grincement sinistre retentit à leur caresse, mais aucun ne voulait abdiquer. Tantôt dominé, tantôt dominant, l'acier et le fer s'élançaient dans une valse aux pas sanglants. La foudre déchirait le ciel, alors que la nuit cachait cette pièce morbide aux yeux des mortels sous son châle stellaire. Puis, un choc retentit, précédent une gerbe écarlate.

Le brassard de la jeune épéiste éclata en morceaux autour de son poignet chétif. Elle accusa l'attaque d'un petit cri emmitouflé, reculant de quelques pas. La poussière s'éleva sous ses titubations, tentant de retrouver une prise ferme sur le sol carrelé.
Le nain à la peau charbonneuse la toisa alors du regard, décochant un sourire en coin sadique.

« Il était stupide de s'aventurer jusqu'ici. »

Sa voix retentissait en écho dans cette grande salle du trône qui fut jadis un lieu de vie et d’allégresse. Maintenant, elle ne se ressemblait qu'à un tombeau à la scène de linceul.
La jeune femme se redressa, laissant sa main gantée serrer avec rage la garde de son arme. Un léger souffle entre ses lèvres vermeilles fit voler une de ses mèches rougeâtres collée à son visage par la sueur, dévoilant ses prunelles bleutées. L'étincelle de la hargne brillait en son cœur.

« Votre règne s'arrête là, Thaurissan. Vos agissements se doivent d'être punis » clama-t-elle d'une voix légère mais pourtant déterminée, sans osciller.

Elle n'eut comme seule réponse un rire rauque, semblable à de la pierre s'effritant de vieillesse. Le suzerain la toisa à nouveau en caressant sa barbe, alors que les gouttes de sang perlant de sa hache tombait sur le sol brisé dans un clapotis sinistre.

« Vous avez au moins eut le mérite d'être une distraction convenable. Mais il est temps d'en finir maintenant, avant que tout cela ne perde de sa saveur » reprit-il, en reprenant son arme en main.

Un nouveau silence prit les reines du combat, laissant les deux adversaires se fixer dans les yeux. La détermination semblait amère, mêlée à ses relent de vieillesse, de souffre et de sang qui régnaient en maître. Puis, Thaurissan fit le premier pas en s'élançant avec vivacité et force. La jeune épéiste rehaussa son bouclier en avant en adoptant une posture défensive. Ses yeux scrutaient les moindres gestes de son opposant, cherchant à percevoir les failles et les habitudes.
Une fois que ce dernier fut à une proximité convenable, la jeune femme prit solidement le côté de son égide avant de le lancer devant elle comme un boomerang. Le suzerain eut juste le temps de l'éviter par un pas de côté qu'il n'eut le temps de voir arriver son opposante. Une futile distraction, et il s'était fait avoir. Le bout de l'épée de la jeune femme, précis et vif, alla glisser sur le flanc de son armure pour en déchirer dans son passage la moitié des lanières. Il tituba sous le coup, remarquant avec surprise la précision dont elle avait fait preuve. Son armure, à présent à moitié détachée, laissait entrevoir une ouverture béante pour l'atteindre directement. Elle avait percée sa défense.

« Joli coup... Siffla-t-il entre ses dents, en réponse au regard satisfait de la demoiselle.
— Je n'aurai osé décevoir le Roi en manquant de le distraire.
— Bien. Très bien. »

Thaurissan attrapa le coin de son armure en fer pour tirer d'un coup sec dessus, l'arrachant entièrement. Quelle ne fut pas la surprise de la jeune femme à la chevelure sanguine, pensant l'avoir déstabilisé autant mentalement que physiquement ! Mais elle ne se laissa avoir, reprenant la poigne de son arme bien en main.

« Il vous faudra plus que vos tours de passe-passe pour m'impressionner, ma jolie » dit-il, lâchant son armure au sol dans un vacarme monstre.